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11 septembre 2018

La concurrence, un droit avant tout

DROIT DES AFFAIRES

Avocat associé

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« C’est ma liberté ! »

La liberté de commerce et d’industrie emporte la liberté de concurrence. C’est un droit qui relève de l’ordre public((Cass., 20 Novembre 2009, RG C08.0507.F/1. )), reconnu par le décret d’Allarde (1791) en son article 7 « il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon ».

En 2013 le législateur belge a souhaité réaffirmer avec conviction ce principe en l’intégrant dans le Code de droit économique. « Chacun est libre d’exercer l’activité économique de son choix. »((Art. II 3 du Code de droit économique belge.))

En d‘autres termes, le fait qu‘une personne physique ou morale exerce déjà une activité n‘empêche en aucun cas une autre personne d‘exercer la même activité.

Ce principe, reconnu constitutionnellement dans certains pays européens((Par ex., voyez l’article 38 de la Constitution espagnole et article 41 de la constitution italienne.)), autorise ainsi la concurrence entre les acteurs d’un marché économique. Il convient néanmoins – bien entendu – de respecter les dispositions légales particulières, les traités internationaux, etc. Comme vous le savez, tout exercice d‘un droit peut être limité, notamment, par le droit d‘autrui ou encore le respect des bonnes mœurs.((Art. II 4 du Code de droit économique belge.))

Nous allons nous pencher sur deux limites principales à la liberté de concurrence : l’interdiction d’un exercice déloyal de cette liberté, soit la limite légale, et la clause de non-concurrence, soit la limite contractuelle .

« Je peux limiter la liberté de l’autre par écrit »

La clause de non-concurrence de droit commun, c’est-à-dire la clause qu’aucune loi particulière ne régit — a contrario des clauses de non-concurrence prévues par une loi spécifique((La clause de non-concurrence est réglementée en matière de contrat d’agence commerciale (article X.22 C.D.E) et en matière de contrat de travail (Art. 65, 86 et 104 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail).
)) —, est une disposition contractuelle qui restreint la liberté de concurrence d’une des parties au contrat.

Cette clause ne doit pas – stricto sensu – respecter de critères juridiques qui en assureraient une validité certaine.

Cependant, des balises — outre celles évidentes de la conformité à la loi — ont été apportées par les Cours et Tribunaux.

Premièrement, une clause de non concurrence se doit, pour être valide, de respecter le triptyque classique de limitations : limitation dans le temps, dans l’espace et quant à l’activité.

Deuxièmement, eu égard à l’aspect limitatif à la liberté de concurrence, la clause se doit de poursuivre un intérêt légitime et de respecter le principe fondamental de proportionnalité((Cass., 23 janvier 2015, J.T., 2015, p. 734 ; Cass., 25 juin 2015, J.T., 2015, p. 727.)).

Aux fins de la rédaction d’une clause de non concurrence, il s’agit d’être extrêmement minutieux afin que l’interdiction de la clause ne puisse être considérée comme excessive au regard de la protection de son bénéficiaire.

Le contenu de la clause peut dès lors varier en fonction du domaine d’application, de la situation, ou tout simplement du souhait des parties.

Par exemple, vous devez limiter l’interdiction de concurrence dans l’espace. Si votre entreprise exerce ses activités sur le territoire du Benelux, vous devrez indiquer ce territoire dans la clause. Si vous étendez l’interdiction de concurrence à un territoire sur lequel votre entreprise n’exerce pas ses activités, il y a fort à parier qu’un Juge ne vous suive pas en termes d’application de la clause, et qu’en tout état de cause il réduise lui-même le territoire d’application de celle-ci.

Ceci sous-tend que le triptyque classique de limitation (temps, lieu, activités) de la clause de non-concurrence ne doit pas forcément être appliqué dans tous les cas.

De même, il se pourrait qu’une clause de non concurrence respecte les deux conditions de proportionnalité et d’intérêt légitime sans pour autant que celle-ci ne contienne les trois éléments limitatifs généralement reconnus.((M. SERVAIS, « La proportionnalité comme unique condition de validité des clauses de non-concurrence ? », J.T., 2016/29, n° 6657, p. 508.))

En pratique, pour limiter les risques liés à l’annulation de l’application d’une clause de non-concurrence, nous ne pouvons que conseiller de rédiger celle-ci en précisant une limite de temps (sans que celle-ci soit supérieure à 12 mois suivant la fin du contrat), une limite d’espace (équivalente au territoire d’exercice des activités de la personne bénéficiant de la clause), et une limite d’activités auxquelles la clause est applicable (il doit s’agir d’activités identiques à celles exercées par la personne bénéficiant de la clause).
Le respect de la proportionnalité et de l’intérêt légitime découle généralement de la précision stricte de ces trois critères.

« La loi me protège aussi ! »

C’est plutôt une bonne nouvelle !

Notre législateur s’est en effet penché sur la question et a interdit – entre autres – ce qu’on appelle communément les actes de concurrence déloyale.

Bien entendu, le ou les acte(s) constitutif(s) d’une telle concurrence n’ont pas été définis. La limite est par conséquent parfois très mince…

Nous pouvons tout de même dégager certains principes généraux.

Tout d’abord, il est interdit de parasiter son concurrent. Cela signifie qu’il est interdit de se faire passer pour son concurrent, de mettre en place des manœuvres afin de créer une confusion dans le chef du consommateur et – in fine – de faire en sorte que celui-ci « prenne » une entreprise pour une autre. Il en va de même si l’on se fait passer pour un partenaire du concurrent auprès des clients de celui-ci.

Ensuite, on considère que dénigrer un concurrent est un acte de concurrence déloyale. Le fait par exemple de prétendre que celui-ci va tomber en faillite, qu’il ne possède pas de compétence pour le travail proposé, ou encore qu’il fournit des produits de mauvaise qualité en le nommant clairement constituent des actes interdits.

Enfin, le non respect des normes peut constituer un acte de concurrence déloyale. La jurisprudence nous apprend en effet que si l’on n’honore pas les cotisations sociales, les paiements à réaliser auprès des différents organismes de l’Etat en fraude des lois les plus élémentaires, on s’octroie un avantage concurrentiel tout à fait déloyal.

Attention donc au travail au noir ou à l’emploi de travailleurs sans contrat, cela peut se retourner contre les entreprises à plusieurs titres !

Vous l’aurez compris, la concurrence est – en somme – un droit qu’il convient d’exercer avec précaution. Qu’il s’agisse de la limiter contractuellement ou d’exercer sa liberté le plus largement possible, il existe des balises qu’il faut maîtriser avant toute décision.

Caroline Lambilot, Avocate au barreau de Bruxelles

Frédéric Dechamps et Nathan Vanhelleputte, Avocats au sein du cabinet Lex4u

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