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8 novembre 2019

Position de la CJUE sur le placement de cookies publicitaires

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET INDUSTRIELLE

Avocat associé

Dark mode

Affirmation du renforcement des règles européennes sur le consentement en faveur de la protection de la vie privée des utilisateurs

Arrêt Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände c. Planet49 GmbH du 1 octobre 2019

Quels sont les faits en cause dans cette affaire?

En septembre 2013, Planet49, une société proposant des jeux en ligne, décide d’organiser un jeu promotionnel sur le site Internet www.dein-macbook.de. Les internautes voulant y participer devaient communiquer leur code postal. Celui-ci leur permettait d’être redirigé vers une page web où deux mentions accompagnées de cases à cocher apparaissaient sur leurs écrans. La première case, cochée volontairement par l’utilisateur, consistait pour lui à consentir à l’envoi de promotions par des sponsors et partenaires publicitaires en affaire avec Planet49.

La seconde case était, quant à elle, cochée par défaut et autorisait Planet49 à installer des cookies ((Les cookies sont des petits fichiers qui sont stockés sur votre disque dur par le navigateur que vous employez et qui 1 font transiter un certain nombre d’informations qui permettent à la publicité d’être plus efficace et mieux adaptée à l’utilisateur », définition tirée de CJUE, 1 octobre 2019, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände c. Planet49 GmbH, C-673/17, §30)) dans le but d’exploiter les navigations Internet effectuées par l’utilisateur concerné afin de lui adresser de la publicité ciblée pour des produits partenaires de Planet49.

Concernant le consentement – et la validité de celui-ci – la fédération allemande des organisations des consommateurs, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände (ci-après « la Fédération »), introduit devant le tribunal régional de Francfort-sur-le-Main un recours tendant à ce que Planet49 cesse d’utiliser la pratique du cochage par défaut précitée.

Quelles sont les questions préjudicielles posées à la CJUE?

La Cour fédérale de justice allemande, saisie par la Fédération, décide de poser trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne :

1. Premièrement, « le consentement est-il valablement donné lorsque le stockage d’informations ou l’accès à des informations stockées dans l’équipement terminal de l’utilisateur est autorisé par une case cochée par défaut » ((CJUE, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände c. Planet49 GmbH, 1 octobre 2019 2 C-673/17, §37)) ?

2. Deuxièmement, l’application du RGDP change-t-il quelque chose à l’interprétation de la première question?

3. Enfin, quelles sont les informations que le fournisseur de service, ici Planet49, doit donner à l’utilisateur à titre d’information claire et complète? La durée du fonctionnement des cookies et l’accès aux tiers en font-ils partie ?

Qu’en a conclu le juge européen?

Par sa décision, la Cour rappelle que le consentement n’est pas valablement donné lorsqu’il est autorisé au moyen d’une case cochée par défaut que l’utilisateur doit lui-même décocher pour retirer son consentement.

Pour appuyer sa décision, la Cour interprète la portée littérale de l’expression « donner son accord » et présuppose une action positive (« donner ») de la part de l’utilisateur, sans quoi, son consentement ne pourra être considéré comme univoque. La Cour insiste sur le fait que « l’exigence d’une manifestation de volonté de la personne concernée évoque clairement un comportement actif et non pas passif »((CJUE, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände c. Planet49 GmbH, 1 octobre 2019 3 C-673/17, §52)) de sa part.

Or, au travers d’une case cochée par défaut, il apparait pratiquement impossible à la Cour d’être objectivement certaine que les utilisateurs ont effectivement, dans un premier temps, pris connaissance de cette case, et, dans un second temps, lu les conséquences de son activation.

De plus, la Cour ajoute que la manifestation de volonté de l’utilisateur doit nécessairement être spécifique dans le sens où elle ne peut en aucun cas être déduite de la manifestation de volonté ayant un objet distinct. La Cour confirme que l’action de l’utilisateur de participer à un jeu promotionnel n’entraine en aucun cas le consentement de celui-ci au placement de cookies par Planet49.

Concernant la deuxième question, la Cour tranche le litige en considérant que la réponse apportée à la première question aurait été la même si elle avait dû être analysée eu égard aux règles du RGPD. A cet effet, la Cour privilégie une protection étendue contre toute forme d’ingérence dans la vie privée des utilisateurs, et ce, indépendamment du fait que cette ingérence soit relative à des données personnelles ou non.

Enfin pour réponse à la troisième question, la Cour termine par affirmer que « les informations que le fournisseur de services doit donner à l’utilisateur d’un site internet incluent la durée du fonctionnement des cookies ainsi que la possibilité ou non pour des tiers d’avoir accès à ces cookies »((CJUE, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände c. Planet49 GmbH, 1 octobre 2019 4 C-673/17, §71)). Comme le souligne l’Avocat général dans ses conclusions ((Av. gén. M. SZPUNNAR, concl. CJUE, arrêt Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände c. 5 Planet49 GmbH, 1 octobre 2019, point 115.)), une « information claire et complète doit permettre à l’utilisateur de déterminer facilement les conséquences du consentement qu’il pourrait donner et garantir que ce consentement soit donné en pleine connaissance de cause »((CJUE, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände c. Planet49 GmbH, 1 octobre 2019 6 C-673/17, §74.)).

Que retenir de cette décision?

L’intérêt principal de cet arrêt se situe, de notre avis, à deux niveaux.

Dans un premier temps, l’intérêt se fonde en partie sur le rappel que fait la Cour concernant certaines des conditions du consentement – l’arrêt ne se prononçant notamment pas sur la condition de liberté du consentement – en matière de cookies publicitaires. Ce rappel semble rejoindre la même réflexion que celle suivie par législateur européen dans son souhait d’imposer une définition uniforme du consentement à travers le RGPD((Règl.(UE) n°2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes 7 physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, www.eurlex.europa.eu. -)) ainsi que via sa proposition de règlement E-privacy((Proposition de Règl. (UE) n°2017/003 du Parlement européen et du Conseil du 10 juillet 2017 concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques et abrogeant la directive 2002/58/CE (règlement «vie privée et communications électroniques»), www.eur-lex.europa.eu.)).

Dans un deuxième temps, la Cour affirme fermement sa volonté d’encadrer et de renforcer la protection de la vie privée des utilisateurs contre toute forme d’ingérence, et ce, indépendamment du fait que cette ingérence soit relative à des données personnelles ou non.

Notons que ces nouvelles obligations européennes en matière de cookies publicitaires, analysés en tant qu’outils d’e-marketing, peuvent revêtir un certain enjeu économique et compétitif potentiellement important tant pour le secteur des jeux en ligne que pour d’autres secteurs. Tenant compte des potentiels impacts financiers qu’engendrent cette jurisprudence européenne, il paraît à présent essentiel, en tant que société active dans le monde digital, de revoir sa politique de cookies publicitaires afin de se conformer aux exigences strictes liées à l’octroi du consentement.

Article de Alicia De Mulder, stagiaire chez Lex4u, Frédéric Dechamps & Nathan Vanhelleputte, avocats chez Lex4u.


Si vous avez des questions par rapport à cette décision et que vous souhaitez des informations sur la manière d’adapter votre politique de cookies, n’hésitez pas à contacter l’un de nos avocats en utilisant l’adresse info@lex4u.com, nous nous ferons un plaisir de vous conseiller et de vous accompagner dans cette démarche.Prev

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